« PAS DE VAGUE ! C’EST VITE DIT… » par François Leclerc

Billet invité.

Où vont l’Italie et la Grèce ? Si les forces centrifuges continuent de se renforcer au sein de la zone euro, un gel de la situation est recherché en attendant que soient passés les importants rendez-vous électoraux de l’année prochaine. Le mot d’ordre général implicite semble être « pas de vague ! », bien qu’il apparaisse difficile à faire respecter.

Paolo Gentiloni, le nouveau premier ministre italien nommé par le président de la République, a comme principale mission de poursuivre pour le Sénat – la chambre haute – la réforme électorale qui a été engagée pour la chambre basse, afin que les deux assemblées soient logées à la même enseigne. De nouvelles élections ne pourront avoir lieu qu’une fois sa mission accomplie, et cela peut traîner en longueur. Pour le reste, il ne faut pas attendre de lui des actions d’éclat. Dès à présent, Matteo Renzi se prépare à rebondir, semblant s’attribuer à titre personnel les votes Oui du référendum qu’il a perdu. Bien qu’il les réclamait, tout comme le Mouvement des 5 étoiles qui a le vent en poupe, la perspective d’élections rapprochées s’est éloignée.

La crise bancaire italienne a de son côté rebondi ce week-end, une fuite émanant de la BCE informant qu’aucun délai supplémentaire pour se recapitaliser par ses propres moyens ne serait accordé à la banque Monte dei Paschi (MPS). Celle-ci s’efforce malgré tout de trouver les 4 milliards d’euros restant à réunir dans les délais impartis. Au cas où elle n’y parviendrait pas, un plan alternatif de « recapitalisation préventive », avec différentes options sur lesquelles le flou règne a bien été préparé, mais il risque de créer un précédent pour les nombreuses autres petites banques italiennes (il y a 700 banques en Italie) qui sont également en piteuse situation, créant d’importants besoins de financement pour l’État. Le chantier de leur sauvetage passe nécessairement par la concentration du système bancaire, comme en Espagne, et va demander du temps, mais il ne bénéficiera pas cette fois-ci d’un prêt du Mécanisme européen de stabilité (MES), car ce dernier supposerait d’inacceptables mesures d’austérité en contrepartie.

L’incertitude est désormais installée en Italie, tant sur la date des élections que sur leur résultat. À l’opposé, la perspective d’élections anticipées se renforce en Grèce, en dépit du refus d’Alexis Tsipras de l’envisager. Sa position ne sort pas renforcée, faute d’accord en vue entre le FMI et les autorités européennes, suite à la démission de Matteo Renzi et à l’affaiblissement de François Hollande.

Le FMI, tout en indiquant sa préférence pour une solution privilégiant une diminution du taux d’excédent budgétaire obligatoire après 2018 sans mesures supplémentaires d’austérité, laisse les dirigeants européens trancher avec comme alternative le maintien du taux de 3,5% assorti d’inévitables mesures de cette nature pour soi-disant le rendre atteignable. Mais si le gouvernement Syriza finissait par baisser les bras, ses espoirs de modeste relance de l’économie ne se concrétisant pas, des élections anticipées ramèneraient au pouvoir Nouvelle Démocratie selon les sondages, ne résolvant strictement rien. L’attitude de Mariano Rajoy en Espagne montre en effet combien les marges de manœuvre se sont réduites pour les gouvernements de droite.

Les plus hautes autorités européennes ne cessent de prendre leurs désirs pour des réalités. N’ayant pas cru à la victoire du Brexit ni à l’élection de Donald Trump, ils croient aujourd’hui que la situation italienne peut se stabiliser. Même s’il faut pour cela tailler sur mesure une nouvelle loi électorale afin de prévenir une victoire, seul ou en coalition, du Mouvement des 5 étoiles. Ils se refusent également à enregistrer que l’évolution de la balance au sein de Target 2 – le système de paiement interne de l’Eurozone – reflète une fuite continue de capitaux de l’Italie vers l’Allemagne. Le surplus allemand est de 754 milliards d’euros et le déficit italien est de 359 milliards en son sein.

Les mêmes savent bien que l’obligation faite à la Grèce de dégager un excédent budgétaire de 3,5% de son PIB n’est pas réaliste. Mais, ne voulant pas s’opposer frontalement au gouvernement allemand, ils ne cherchent qu’à gagner du temps faute de mieux.

Si la politique européenne ne change pas, la porte de sortie de l’euro désormais entrebâillée pour ces deux pays sera demain grande ouverte.